Chronique

Plus qu’une semaine : les scénarios

Plus qu’une semaine et cette interminable campagne sera terminée. Ne soyez pas triste, nous aurons vraisemblablement le plaisir de recommencer sous peu puisque tous les scénarios plausibles nous conduisent à un gouvernement minoritaire. Bleu ou rouge, c’est la question que les électeurs devront trancher dans 168 heures.

La compilation des nombreux sondages publiés ces derniers jours démontre une tendance : le Parti libéral de Justin Trudeau a le vent dans le dos et poursuit, lentement mais sûrement, son ascension. Il serait maintenant premier dans les intentions de vote et, nouveauté, les projections de sièges le placent aussi en tête, avec environ 130 élus. Minoritaire, donc, puisqu’il faut 170 sièges pour être majoritaire.

D’autres simulations, crédibles également, donnent toutefois l’avantage en sièges aux conservateurs de Stephen Harper, en territoire minoritaire, là aussi.

L’appel au vote stratégique résonnera certainement au cours des derniers jours de campagne. Après plus de deux mois de campagne, on revient donc aux questions de départ : voulez-vous garder ou remplacer le gouvernement Harper et, dans le deuxième cas, par quel parti ? La continuité ou le changement.

Survol des scénarios possibles et de leur suite.

CONSERVATEUR MINORITAIRE

À moins d’une soudaine remontée en Ontario, où ils sont maintenant deuxièmes derrière les libéraux, les conservateurs ne peuvent plus rêver d’un nouveau mandat majoritaire. Le mieux qu’ils peuvent faire est de préserver juste assez de sièges en Ontario et d’en gagner quelques-uns au Québec pour s’accrocher, minoritaires, au pouvoir. Et encore, minoritaire faible, c’est-à-dire autour de 130 circonscriptions, très loin des 170 sièges requis pour former un gouvernement majoritaire.

Viable, un Harper minoritaire ? Probablement pas très longtemps. D’abord, Stephen Harper voudra-t-il diriger un gouvernement minoritaire en faisant des compromis pour satisfaire les partis de l’opposition ? Voudra-t-il jouer le jeu ? C’est douteux. Le chef conservateur a déjà annoncé des mesures (comme sa loi antihausse de taxes et d’impôts) qui seront assurément rejetées par le NPD et le PLC. Le prochain budget, le discours du Trône et la mission canadienne contre l’État islamique sont aussi des points de rupture prévisibles. MM. Trudeau et Mulcair ont clairement indiqué qu’ils ne collaboreront pas avec un gouvernement Harper.

En plus d’être en position de faiblesse aux Communes, un gouvernement Harper minoritaire serait confronté à des gouvernements hostiles en Ontario et en Alberta et à une faible représentation dans tout l’est du pays.

Mieux vaut vous y faire : un Harper minoritaire signifie un retour rapide aux urnes. À moins que le gouverneur général décide – la chose serait aussi exceptionnelle que surprenante – d’user de ses prérogatives et de demander au PLC et au NPD de former un gouvernement de coalition. Ce serait certainement le souhait d’une majorité de Canadiens, mais chaque fois que les gouverneurs généraux ont l’occasion de marquer l’histoire, ils nous rappellent plutôt que leur fonction est purement symbolique.

Autre possibilité : démission (ou éjection) de Thomas Mulcair ou de Justin Trudeau, advenant des résultats décevants, ce qui donnerait quelques mois de sursis à Stephen Harper puisque le NPD ou le PLC devrait élire un nouveau chef.

LIBÉRAL MINORITAIRE

Un Trudeau minoritaire, même faible, serait en meilleure position pour durer, d’abord parce que les conservateurs et peut-être aussi les néo-démocrates devraient vraisemblablement se trouver un nouveau chef et, ensuite, parce que Justin Trudeau pourrait plus facilement obtenir l’appui du NPD pour traverser les premières épreuves (discours du Trône et budget).

Après cette longue campagne, les partis fédéraux voudront aussi refaire leurs forces et regarnir leurs coffres.

Vendredi dernier, le chef du NPD, Thomas Mulcair a ouvert la porte à des alliances avec un gouvernement libéral minoritaire, une façon de rappeler la pertinence du NPD, même s’il ne semble plus en mesure de former le gouvernement.

Bien sûr, les affrontements entre néo-démocrates ont été rudes au cours des dernières semaines, mais le 20 octobre, la joute électorale sera terminée et il faudra bien trouver une façon de faire fonctionner le gouvernement.

Combien de temps ? Traditionnellement, les gouvernements minoritaires durent entre 12 et 24 mois et un Trudeau minoritaire ne devrait pas faire exception. Il ne faut toutefois pas sous-estimer la méfiance réciproque, parfois même le mépris réciproque, entre libéraux et néo-démocrates.

NPD MINORITAIRE

Probable au début de la campagne électorale, ce scénario est maintenant écarté en raison de l’essoufflement du NPD en Ontario et au Québec.

La force du NPD au Parlement sera proportionnelle à ses résultats au Québec. S’il reste le principal parti au Québec, le NPD sera, devant un gouvernement minoritaire, une voix avec laquelle il faudra compter. Détenteur de la balance du pouvoir, il jouira d’un certain rapport de force advenant l’élection d’un gouvernement Trudeau minoritaire.

La principale question est de savoir quel sort attend Thomas Mulcair si son parti termine troisième, loin du score de Jack Layton, en 2011, et loin des espoirs du début de la campagne. Il se pourrait que l’aile traditionnelle du NPD impute à Thomas Mulcair la défaite et manœuvre pour l’éjecter.

M. Mulcair aurait peut-être plus de chance de garder son poste si les conservateurs l’emportent puisque leur chute aux Communes risque de se produire plus tôt que tard, laissant au NPD trop peu de temps pour élire un nouveau chef.

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